Le poème est espace de jeu de la langue
Le poème n’a pas vocation à décrire, représenter le monde,
son destin est tout autre…
Il doit nous faire rentrer au cœur des choses.
L’alignement de mots agencés avec soin
Dans une visée purement esthétique ne fait pas non plus la poésie.
Si « la poésie éclaire le monde » comme le disait Eluard,
c’est qu’elle en révèle les failles,
l’obscur, au sens de ce qui se cache, se glisse entre les mots.
J’ai en mémoire une citation de Krishnamurti
qui a écrit des poèmes de jeunesse
bien avant de devenir un penseur fulgurant
attaché à l’analyse de nos mécanismes de pensée.
Il disait « Ne laissez pas les mots penser à votre place, ayez une parole habitée »
Ceci a toujours été pour moi un fil conducteur dans l’écriture poétique même.
Dans la poésie, les mots prennent leur force des alchimies provoquées,
par leur mise en relations, par ce qui se glisse entre eux,
ce qui s’y cachait et se révèle.
C’est bien souvent la que se voit la puissance poétique,
le travail de création d’un auteur, cette "alchimie du verbe".
Ce ne sont pas les mots qui font un poème
c’est un travers que l’on retrouve chez bon nombre de personnes
s’essayant à l’écriture poétique, l’abondance,
le choix de mots pour leur esthétique, leur rareté…
Non ce ne sont pas les mots qui font la poésie
mais l’espace qui se crée entre eux,
qu’il soit suffisamment vaste pour nous permettre de pleinement « l’habiter »,
soit qu’il soit un lieu étroit, celui d’un choc, d’un frottement,
l’espace de la rencontre de mots
qui peuvent se conjuguer, s’épouser, se parler, mais aussi s’affronter…
Autant de réactions en chaines, de provocations, d’éclairs parfois foudroyants.
Qu’il soit champ de bataille ou alcôve,
lieu de combat ou d’ébats amoureux des mots
Le poème est espace de jeu de la langue
© Francis Panigada